Sélectionné par touscodprod.com pour participer au dernier jour de tournage du film « Les insomniaques » réalisé par JP Mocky, je me rends donc dans cette belle ville de Saumur en ce mardi 2 février au soir l’esprit gai , tout à la fois heureux et excité de pouvoir enfin réaliser un des mes rêves , celui de pouvoir côtoyer le grand Mocky au travail . Après une journée de boulot harassante, cap donc sur Saumur,délaissant toute ma petite famille et Paris, je fais chauffer ma Ford Fusion et m’embarque avec Christophe (collègue de travail et ami sélectionné lui aussi) pour près de 4 heures de route sous une pluie fine constante.L’arrivée tardive vers 22H ne nous laisse guère le temps de nous reposer,il faut penser à se restaurer puis à rejoindre l’hôtel réservé (l’hôtel Alcyon, tout ce qu’il y a de plus correct) près de la gare où doit avoir lieu la rencontre le lendemain matin avec Barbara de l’équipe de touscoprod. Notre arrivée tardive ne nous a pas empêché de nous diriger vers le centre ville pour y déguster un croque messieurs géant dans un fort sympathique troquet- billard qui nous a ramené dans les année 80. Le charme de la province opère.
Au matin nous nous levons pour avoir droit à la vision du superbe château de Saumurdans une semi brume montant de la Loire. Heureusement toute la journée sera particulièrement ensoleillée.Arrive l’heure du rendez-vous 9h30, Gare de Saumur oùBarbara,tout juste débarquée de son train, vient à notre rencontre ainsi qu’une autre personne de la production, chargé de nous amener sur le lieu de tournage. Nous sommes quatre personnes coprod à avoir été sélectionnés, Barbara qui sera notre guide toute la journée aura été d’une gentillesse et d’une attention à notre égard sans égale. Je profite de cette petite chronique pour la remercier d’avoir pu mettre au point une telle journée et convaincre Mocky, dans le planning ultra serré de son tournage d’accepter notre présence.Pas le temps de souffler que nous nous rendons à la périphérie de Saumur(Rue Robert Amy) , dans un sorte de hangar d’une entreprise de travaux (plastiques je crois) où se tourne la première scène de la journée.
D’emblée, j’aperçois Mocky, dansson imper bleu, déjà très affairé et passablement irrité. Je reconnais également le co producteur du film, Jean-Maurice Belayche, de la maison Bouvet-Ladubay, qui a produit tous les Myster Mocky Présente et qui a aussi joué à l’occasion plein de petits rôles dans plusieurs épisodes de la série. Il nous accueille très gentiment et nous explique que l’intérieur du hangar étant très exigu, il nous faudra rester dehors attendant que la scène soit tournée. Mais nous sommes autorisés à entrer quelques instants pour voir le décor : une fabrique de masques, atelier de sculptures où doit intervenir Matthieu Demy, inspecteur de police, dans le cadre de son enquête. On peut y apercevoir un masque c’est celui de Gérard Depardieu ! .
Le directeur de la photo, Jean-Paul Sergent et les autres techniciens s’affairent à la préparation de la scène. Un des acteurs, vieil asiatique en blouse grise, chante des chansons paillardes (« il faut laver la quéquette à Popaul », etc., ou quelque chose du genre) pour se détendre avant que le clap soit donné, on apprendra plus tard qu’il a tout de même 85 ans. Le ton est tout de suite donné, l’ambiance de tournage est décontractée tout en restant très professionnelle. Un décor d’un film de Mocky se reconnait tout de suite, il est le reflet de son style inimitable.Ici cela me rappelle Agent Trouble ainsi que d’autres films de Mocky où les masques de carnaval sont très présents.
Le moteur est donné, pour garder le silence, ce n’est pas facile avec de vrais ouvriers qui s’affairent à côté, avec leurs brouettes et leurs palettes. Mocky visionne la scène qui se tourne sur son écran de contrôle et a l’air content. Nous croisons Matthieu Demy, très sympa et disponible, qui se montre très intéressé par le système de co production par des internautes pour un projet de film personnel.
Je discute avec JM Belayche au sujet de la série « Myster Mocky présente » achetée et diffusée actuellement par la TSR (Télévision Suisse Romande).Bonne nouvelle pour les amateurs, en Juin devrait sortir en DVD les deux saisons de cette excellente série agrémentée pour l’occasion de nombreux making-of.
La première scène prévue pour la journée étant terminée, Barbara nous présente à JP Mocky qui nous encourage à investir encore de l’argent. Christophe, autre coprod invité et deuxième Christophe ! ,policier dans le civil, montre savraie carte de policier à Matthieu Demy qui arborait fièrement sa fausse carte !.Nous nous dirigeons vers la mairie de Saumur, salle des Mariages, lieu des deux prochaines grandes scènes à être tournées.
Attenant à la grande salle qui servira plus tard pour un bal masqué, avec pas moins de 150 figurants, tous bénévoles, le décor représente une tente de fakir avec boule à facette suspendue, des marionnettes fixées au mur, une malle de magicien avec épée transperçante et plusieurs chaises alignées. Encore un décor typiquement mockien ! La scène représentera Mocky déguisé en fakir !! annonçant à ses complices du club des insomniaques qu’ils voleront des bijoux que portent les femmes lors du bal masqué et qu’ils reverseront l’argent obtenu de leur reventeaux Restos du cœur.
Les décors se mettent en place, Mocky les vérifie et annonce tous les plans qu’il a l’intention de tourner. Il nous demande combien nous avons investi, question délicate, et nous explique que si nous n’avons donné que 20 euros, cela ne pourra payer qu’un seul chapeau.Je lui glisse qu’avec la contribution moyenne d’un internaute, il peut espérer deux chapeaux au moins !! Il est près de Midi, Mocky décrète qu’il va manger. Tout le monde le suit dans un restaurant à deux pas de l’hôtel de ville où nous attendent déjà nos hors d’œuvre. Avant d’entamer son repas, Mocky redonne des précisions sur tous les plans à tourner à son assistant Antoine età JM Belayche quinotent tout religieusement. Mocky est impressionnant, il sait exactement ce qu’il veut, tout le film et le découpage estdans sa tête. 50 ans de métier, ce n’est pas rien, il faut le dire et le redire, Mocky est un très grand professionnel. Sa réputation de bâcler les films ne doit être interprétée que par le manque de moyens constantdont il dispose mais c’est oublier l’inventivité, l’originalité, la créativité permanente, l’utilisation de l’imprévu dont il fait preuve. Son cinéma est vraiment celui de l’instant et de l’énergie, mobilisant tout le monde dans une atmosphère bon enfant. La maquilleuse est aussi chargée de valider la scène grâce au moniteur, veillant sur l’écran de contrôle à la continuité des plans et des raccords. L’assistant et le producteur jouent aussi de petits rôles dans le film. La script girl (qui est script sans script !)fait plutôt office de régisseuse , notamment elle devait empêcher les ouvriers de faire du bruit pour le tournage du matin. Il faut être prêt à se rendre disponible et mettre la main à la pâte à tout moment. Pour toutes ses raisons et pour l’immense artiste qu’est Mocky, il est important de le soutenir et que ses films obtiennent plus de visibilité. Le budget consacré au tirage de copies et à la promotion du film est important, Mocky produisant son film arrive tout juste à boucler le budget du tournage, c’est pour cela qu’une initiative comme celle de touscoprod.com peut vraiment aider un artiste indépendant comme lui.
Après la pause déjeuner (je recommande le vin rouge de Saumur 2005 de la maison Bouvet-Ladubay !),nous regagnons le tournage. Tous les acteurs sont déjà costumés : Bruno Putzulu, Patricia Barzyk Mme Mocky et je reconnais un des acteurs fétiches de Mocky : Christian Chauvaud. C’est avec une très grande émotion que j’assiste à la répétition, préparation et tournage de la scène, tapis au fond de la salle. Tous les acteurs ont un demi -masque de cochon et la vision de Mocky en fakir avec son masque vaut vraiment le détour !
C’est Barbara de touscoprod qui se propose de nouer le turban autour de la tête de Mocky, elle fait cela avec un grand art. Un des photographes de plateau se chargera quant à lui de faire tourner la boule à facette avant chaque prise.Il est passionnant de voir Mocky faire l’acteur, il dit son texte avec autorité et surtout prend des temps entre chaque mot, il sait exactement le rythme de la scène qu’il faut imprimer et peut-être la musique qui accompagnera le plan.Les « Allez moteur », « Allez moteur » fusent, cette fois un peu étouffé par le masque. On fait remarquer à Mocky qu’il n’y a pas de clap, lui s’en fout, la scène se tourne. Une ardoise trouvée par la suite fera office de clap !
Il y a très peu de prises, rarement plus de 4/5 prises sont nécessaires. Cette scène dans la boîte,Mocky se regarde à l’écran de contrôle et prépare les plans suivants sans lui. Notamment, l’arrivée de l’inspecteur Martial joué par Matthieu Demy, qui sera vite intercepté par un des « Insomniaques » joué par Chirstian Chauvaud puis avec l’aide des autres complices masqués (dont une panthèrerose et un Spiderman !) , sera chloroformé et mis dans la grosse malle de magicien. Pour simuler le chloroforme , il fallait du coton et c’est toujours l’omniprésent JM Belayche qui va à la pharmacie du coin. Pour l’anecdote, le Spiderman s’est aperçu qu’il avait toujours tourné avec son costume à l’envers !!
Puis c’est au tour du plan de l’arrivée de deux inspecteurs de police accompagnés de deux policiers en uniforme qui viennent dégager de sa malle Matthieu Demy. Le premier policier en tenue est un ancien policier à la retraite qui a déjà participé à un épisode de Myster Mocky présente (Voisin de cellule avec Jean-Paul Rouve et Richard Bohringer). Pour jouer le deuxième policier, c’est Christophe, le co-prod à qui on va faire appel, pour qui ce ne sera donc pas un rôle de composition !JM. Bellayche avait promis à chacun des coprod de pouvoir faire de la figuration, c’est chose faite, le tour des autres viendra et je suis impatient de savoir quelle figuration je ferai. Christophe s’en sort très bien. Le tournage de tous ces plans se fait dans la bonne humeur, voir Matthieu Demy sortir de sa malle était drôle d’autant qu’à la première prise, l’épée n’avait pas été retirée de la malle.
Patricia Barzky étant souffrante (un début de gastro) et Mocky l’ayant embrassé il prend peur ( et si je suis malade le film !) , suite à la recommandation générale une employée de Bouvet-Ladubay s’empresse de lui chercher un double Ricard à boire cul sec. Ce que Mocky fera avec quand même un peu d’eau.
Après tout cela,vers 16 heures, c’est lebal masqué qui se met en place dans la grande salle. L’arrivée des 150 figurants masqués est impressionnante, la pièce se remplit assez vite. JP Mocky règle avec l’orchestre les morceaux qu’ils joueront, en pleine forme il a l’enthousiasme d’un jeune homme quand au son de la musique, il bât la mesure frénétiquement.
Sur proposition de JM Bellayche, je file enfiler au rez de chaussée un desderniers déguisements restantset prend un masque jaune pour faire partir in extremis des figurants du bal. Je vais partager la condition de figurantet me mêler à eux. Moi qui ne sait pas danser, je vais me retrouver à danser la valse avec trois générations de figurantes en commençant par la plus âgée (80 ans au moins) qui en profitera pourm’apprendre les rudiments de la valse puis une moins âgée la soixantaine pour finir en beauté avec une belle jeune fille toute en noir. Entre chaque prise, les figurants sont bien choyés : sandwiches, petits fours et Saumur pétillant. Les tables de réception faisant partie du décor,des sandwiches étaient distribués avec consigne de ne pas toucher aux plateaux de petits fours sur les tables : peine perdue figurant affamé n’ayant pas d’oreille.
Mocky donne ses directives, ce n’est pas le genre de scène facile à tourner. Les vrais acteurs danseront à nos côtés, la caméra se faufilant entre nous avecune torche en guise de lumière pour filmer les « insomniaques » masqués volant les bijoux aux riches femmes pendant qu’elles dansent. Mes cavalières d’un soir n’ont pas eu la chance d’être volées ! mais nous sentions la caméra proche derrière nous. Deux autres grandes scènes seront tournées lors du bal : le passage de JP Mocky en imper de flic avec JM Belayche déguisé en clown !, nous autres figurants devions jouer la stupeur et nous rapprocher. Enfin, sur l’estrade où jouait l’orchestre, une cantatrice (genre la Castafiore !) les rejoint pour entonner l’air des bijoux de Faust.
Il reste encore un plan rapproché sur Mocky récupérant dans son chapeau les bijoux que chacun des comparses viennent lui donner puis il est temps de se rendre au tribunal de grande instance pour filmer la dernière scène.
Le tournage accuse un peu de retard, le bal masqué difficile à régler ayant pris plus de temps que prévu. Et là bonheur absolu, la scène à filmer (une salle de tribunal avec à la barre de l’accusé un député véreux qui attend la sentence du jury, il sera relaxé) réclame la figuration de deux policiers et d’une greffière. Trois rôles qui seront dévolus à trois des 4 coprod dont mon Christophe et moi-même dans le costume des policiers assis sur un banc, de chaque côté du prévenu.Je ne remercierai jamais assez JM Belayche pour la prévenance, la simplicité et la gentillesse dont il a fait preuve à l’égard de chaque coprod tout au long de cette journée, veillant à ce que nous profitions au maximum de ce tournage inoubliable qu’il nous aura été donné de vivre. L’officier de police à la reraite figurant dans les plans filmés à la mairie me file son uniforme, sa casquette et sa cravate.Je flotte un peu dans la veste mais comme je serai assis pour la scène filmée, j’espère que cela se verra moins.N’ayant pas de cravate, Christophe,le second policier en tenue héritera d’une cravate prêtée par le concierge du tribunal ! De nous voir ainsi habillés, Christophe et moi, nous avons du mal à réaliser ce que nous sommes en train de vivre. C’est un peu tendu que je prendsplace sur le petit banc à la droite de l’accusé avec Mocky juste derrière moi parmi le public assistant à l’audience. Christophe essaie de me détendre en plaisantant avec le prévenu, dont le visage me dit quelque chose, ils échangent quelques répliques d’Audiard avant que nous réalisions que l’acteur jouant ce député véreux n’est autre que le fils de Francis Blanche !! Cela est particulièrement émouvant quand on connait la fidélité de Francis Blanche à Mocky : ils auront tourné ensemble une dizaine de films de mémoire. Le fils ressemble beaucoup à son père, et s’avère tout comme lui, formidablement cabotin. Nous faisons quatre prises de la scène où après que la présidente annonce la relax, le public doit manifester sa colère face à l’accusé les haranguant, la caméra zoomant sur Mocky dont le personnage se chargera de se venger du député. Je me suis acquitté de ma modeste figuration en espérant qu’elle passe bien et en étant le plus sérieux du monde. On verra bien ce qu’il en restera à l’écran mais quoiqu’il advienne j’en emporte un souvenir impérissable,je n’aura iamais imaginé figurer dans un film de Mocky, même en temps que simple figurant. La journée s’achève (seul le contre-champ avec la greffière coprod est filmé après notre scène), longue (plus de 11H) mais elle aura été passionnante à vivre à tout point de vue.
Pour le site de touscoprod.com , Barbara souhaite finir la journée par une petite interview des co-prod. N’’ayant pas pu obtenir le silence dans le grand hall où se restaurent les figurants de la scène de tribunal c’est dans la salle d’attente des affaires familiales que sera tourné ce petit entretien dont un montage devrait figurer sur le site à l’attention des autres coprod.
Avant de partir,Christopheme photographie avec le fils de Francis Blanche et Mocky himself,suprême bonheur.