RESUME
Lassé par les incartades de son fils François, Maître Gérane, un avocat connu, demande son internement. Alors que le docteur Varmont, le directeur de l'asile, lui prodigue des soins d'une façon classique, son collègue, le Dr Emery, prône quant à lui, des méthodes plus modernes. Le malheureux côtoie à l'asile des malades parfois dangereux et que l'on prétend irrécupérables, François qui, tout en étant d'un caractère instable, n'est pas vraiment fou, ne songe qu'à s'évader en compagnie d'un autre compagnon d'infortune, Heurtevent, un épileptique. François parvient à s'enfuir, tandis qu'Heurtevent, qui est repris, se suicide. Stéphanie, l'amie de François, lui offre l'hospitalité. Il passera la nuit chez elle mais, le lendemain, il est brutalement repris par des policiers qui le reconduisent à l'institution.
FICHE TECHNIQUE
Réalisation : Georges FRANJU (1959)
Scénario et adaptation : Jean-Pierre MOCKY
Dialogues : Jean-Charles PICHON
D'après le roman de Hervé BAZIN
Directeur de la photographie : Eugen SHUFTAN
Musique : Maurice JARRE
Décors : Louis LE BARBENCHON
Production : Atica - Sirius - Elpenor
Distribution : CFDC
Durée : 92 minutes
Sortie : 20 mars 1959
DISTRIBUTION
Jean-Pierre MOCKY (François Gérane)
Anouk AIMÉE (Stéphanie)
Charles AZNAVOUR(Heurtevent)
Paul MEURISSE (Dr Emery)
Pierre BRASSEUR(Dr Varmont)
Jean GALLAND(Maître Gérane)
Edith SCOB (La nymphomane)
Thomy BOURDELLE (Le colonel Donadieu)
ANECDOTES
- Devant assurer la mise en scène de LA TETE CONTRE LES MURS, Jean-Pierre Mocky en écrivit le découpage, engagea Jean-Charles Pichon comme dialoguiste, repéra et choisit les décors et engagea les acteurs parmi lesquels Charles Aznavour, auquel il donne sa première chance d'acteur, ainsi qu'Edith Scob. Mais les distributeurs et les producteurs s'effrayèrent de voir la réalisation confiée à un jeune homme qui n'avait pas encore fait ses preuves - la "nouvelle vague" n'existait pas encore - et ils exigèrent un metteur en scène chevronné.
- Jean-Pierre Mocky précise à ce sujet : "Les distributeurs se sont refusés à me donner ma chance. N'ayant pas de parents dans la haute finance ou dans la confiserie, je n'ai pas pu m'imposer comme réalisateur à ce moment-là. Alors j'ai dû abandonner tout le travail que j'avais fait et choisir un réalisateur que j'aimais bien, qui avait fait des courts-métrages et qui s'appelle Georges Franju. Je lui ai cédé ma place en même temps que toutes mes recherches, tous les documents et tous les travaux que j'avais exécutés. Alors, c'est pourquoi je considère ce film un petit peu comme le mien, puisque je n'y ai pas fait seulement un travail d'homme d'affaires, comme on l'a souvent dit, mais également un travail artistique." (Cf. Entretien avec J.-P. Mocky, in "Midi-Minuit Fantastique", n¼ 17, juin 1967.)
- LA TETE CONTRE LES MURS remporta, en 1960, l'"Étoile de Cristal", Grand Prix de l'Académie du Cinéma.
- À signaler : Jacques Rouffio (7 MORTS SUR ORDONNANCE, LE SUCRE) était premier assistant-réalisateur sur ce film.
- BOX OFFICE
France : 609 000 entrées
CRITIQUES
Mon avis
La tête contre les murs aurait du être le premier film réalisé par Jean-Pierre Mocky, qui l’a initié de bout en bout et écrit l’adaptation, mais s’en est vu refusé la réalisation à cause de sa jeunesse et de son inexpérience en ce domaine. C’est un beau film au charme étrange, poétique et onirique, qui dénonce les méthodes d’internement psychiatriques expéditives et surtout plus destructrices qu’autre chose. L’interprétation est de tout premier ordre : Mocky, physique de jeune premier un peu figé mais émouvant quand même, Anouk Aimée toujours exquise, Charles Aznavour qui fait montre de sa grande sensibilité, sans parler de Pierre Brasseur et Paul Meurisse parfaits dans le rôle des deux docteurs aux méthodes radicalement différentes dans le suivi de leurs malades. Pas sur que Mocky aurait réalisé de la même manière le film, mais tel qu’il est, il sait nous captiver et nous émouvoir, la fin étant très réussie et efficace nous laissant sur l’image d’une grille d’asile qui se fermera à jamais. Le constat est très amer : de jeunes gens, un peu rebelles sont internés contre leur gré, pour satisfaire à une requête parentale, ici d’un père qui ne comprend pas son fils et son comportement fantasque, et qui ne trouve que ce moyen des plus terribles et inacceptables pour être tranquille, au regard des ravages qu’un internement psychiatrique peut avoir sur une jeune personne un tant soi peu en quête de compréhension et de liberté mais en aucune façon fou.
Autres critiques
"Quel film aurions-nous vu si cette adaptation du best-seller d'Hervé avait marqué, ainsi qu'il était prévu, les débuts de Jean-Pierre Mocky cinéaste ? Nul ne le saura. Mocky possédait les droits du roman, achetés grâce à ses contrats de star de cinéma... en Italie. La production à Paris, le jugea un peu vert. Qui nous conseillez-vous, jeune homme ? Cinéphile, il avait admiré les courts métrages de Franju. Il proposa son nom. Et se contenta de jouer, remarquablement le rôle principal. Plus que l'anecdote, histoire d'un instable que son père place en asile où il se lie avec un épileptique (Aznavour, déchirant, fut une révélation), ce que retient Franju, c'est le « contact direct d’un individu avec le malheur ». La manière dont il oppose la psychiatrie libérale et la médecine autoritaire (Paul Meurisse contre Pierre Brasseur : affrontement feutré, assassin) fait la grandeur de l’œuvre, cri de révolte contre l'oppression familiale et la meurtrière hypocrisie des institutions. Nous sommes dans un film d'épouvante, à ceci près que 1es monstres nous ressemblent."
Michel Grisolia - Télérama
"C'est la première fiction réalisée par Georges Franju. Jusque-là, il a signé une série de documentaires "politiques" : Le Sang des bêtes est une violente charge contre les abattoirs, Hôtel des Invalides moque subtilement le militarisme, etc. La Tête contre les murs devait être réalisé par Jean-Pierre Mocky, qui a signé l'adaptation du roman d'Hervé Bazin, et joue le rôle principal. Mais les financiers ne croyant pas en Mocky comme réalisateur, ils lui demandent de trouver un cinéaste plus confirmé. Mocky choisit Franju. De son passé de documentariste, Franju garde la démarche : il explore l'univers oppressant et inquiétant d'un asile où s'opposent deux conceptions de la médecine, l'une autoritaire, l'autre libérale, sujet très vif à l'époque, en 1958. Mais il tire cette dénonciation en règle de la psychiatrie répressive vers la poésie insolite qui fera sa marque : un motocycliste fonce dans un ravin, une fille en maillot de bain escalade la nuit l'échelle d'une piscine de banlieue, le visage blanc et aigu d'Anouk Aimée incarne l'espoir dans la nuit noire, de gros pigeons blancs font rêver l'épileptique Charles Aznavour... Franju réunit déjà ici quelques-uns des éléments qui feront de son film suivant, Les Yeux sans visage, son chef-d'œuvre : la lumière d'Eugen Shuftan qui donne à la nuit son merveilleux fantastique, la musique presque baroque de Maurice Jarre, le corps arbitrairement massif de Pierre Brasseur, la fragilité gothique d'Edith Scob (lire ci-contre). Film de combat, La Tête contre les murs est aussi et surtout une formidable leçon de mise en scène, à la fois rigoureuse et onirique."
OLIVIER NICKLAUS - Les inrocks 17 décembre 2003
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