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CV paru dans VSD

Dans le système de promotion et d'exploitation actuel, les dix ou vingt copies qu'il peut espérer n'ont aucune chance de rivaliser face à des sorties massives de 400 copies. Leur avenir sera en DVD. Et il s'en fiche. Après plus de 50 réalisations, Jean-Pierre Mocky continue de tourner, dans le chaos et la précarité, un film par an minimum.

NAISSANCE. « Je suis sans âge », dit Jean-Paul Adam Mokiejewski, né le 6 juillet 1933, à Nice (06). Son père a quitté l’Ukraine après la révolution de 1919 et devient taxi pour de riches touristes russes sur la Côte d’Azur. En 1940, par peur des persécutions contre les juifs, il veut faire partir son fils pour l’Algérie chez un ami d’Europe de l’Est, installé près d’Oran. Le petit est précoce (à 7 ans, il mesure 1,55 mètre), mais trop jeune pour prendre le bateau seul. Son père demande à un employé de la mairie, qu’il connaît bien, de le vieillir. Le 1933 devient 1929. Aujourd’hui, Jean-Pierre tente de faire rectifier son état civil.

PREMIER SOUVENIR. Il a 2 ans et demi quand son père l’installe au volant de sa Citroën C3 Trèfle.

REPTILE. À 6 ans, à la Tour Rouge, la seule plage de sable niçoise, il cherche des coquillages à genoux, à l’entrée d’une grotte. Il est mordu par un serpent, que son père attrape et apporte, dans un bocal, au Musée océanographique de Monaco. Il s’agit d’un serpent de Java, une ­espèce aquatique venimeuse.

TILT. À 7 ans, il accompagne ses parents au ­cinéma voir Une nuit à l’opéra. « J’ai été frappé par l’humour du personnage de Groucho Marx quand celui-ci déclare à une femme : “Je suis avec toi parce que tu as du pognon.” » À cette époque, ses parents bougent sans cesse, il n’est pas réellement scolarisé. Sa mère lui ­apprend à écrire, à compter.

MARIAGES. Il se marie à 13 ans (officiellement 17 ans) à Monique Baudin. Le père de celle-ci, un miroitier, connaît le vrai âge de Jean-Pierre mais il tient au mariage car sa fille est enceinte. Sur la photo de la cérémonie, il porte la culotte courte, elle est ronde. L’union dure trois mois. Il se mariera quatre fois.

PREMIER JOB. À 14 ans, il devient chauffeur de taxi pour la G7, à Paris. Parallèlement, il s’inscrit au conservatoire, avec Jean-Paul Belmondo. Pour ne pas porter le même prénom, il devient Jean-Pierre. Il est viré par Paul Abraham car il joue, à la Huchette, Gloriana sera vengée, avec Bebel. « Un genre d’Hamlet sur une scène de 3 mètres sur 4 », selon lui. À Neuilly, il charge Pierre Fresnay, qui lui lance : « Tu as une tête, tu vas jouer avec moi ! » Il le convoque au théâtre de la Michodière. « Il buvait beaucoup de vin rouge car Yvonne Printemps le menait par le bout du nez. Il l’avait piquée à Sacha Guitry, qui lui en était reconnaissant ! » Jean-Pierre Mocky joue dans Pauline ou l’écume de la mer puis est engagé par Julien Gracq pour le rôle principal de Perceval le Gallois dans Le Roi pêcheur. Le jeune premier se fait descendre par la presse. « À l’époque, Leonor Fini est tombée amoureuse de moi, elle voulait m’emmener en Corse auprès de ses chats. »

ORPHEE. Jean Cocteau lui demande d’être le poète dans Orphée (1949). Quand la mort emmène Orphée en Rolls, il dit : « On a écrasé ce type… Une place où ne passe jamais personne. » Il ne sera pas crédité.

ITALIE. En 1954, il est stagiaire sur le tournage de Senso, de Luchino Visconti. Sur le plateau, tous les hommes sont amoureux d’Alida Valli, la somptueuse comtesse Livia Serpieri dans le film. Lors de la soirée de fin de tournage, elle arrive au bras de son mari, un très petit homme avec une drôle de tête. Sur La Strada, Fellini, qui cuisine des pâtes pour la troupe, interrompt le tournage : Giulietta Masina a un faible pour Richard Basehart, qui joue le violoniste fou.

AMOUR. Mocky a pour principe de ne pas coucher avec les actrices qu’il fait tourner. En 1985, Patricia Barzyk (Miss France 1980), qui venait de jouer pour Manoel de Oliveira dans Le Soulier de satin, accepte un rôle de chanteuse d’opéra qui se promène nue à Nice pour La Machine à découdre. Le film terminé, elle lui intente un procès car, pour la promotion, elle estime que trop de photos d’elle dévêtue sont publiées dans la presse. Treize ans plus tard, à Montbéliard (25), il passe une annonce pour une figurante de 10 ans pour Tout est calme. Une petite fille aux yeux bleus se présente : « Je m’appelle Barzyk. » « Où est ta maman ? » « Là-bas. » Patricia Barzyk, mère célibataire, est aussi engagée pour un rôle de secrétaire dans le film. Quelques semaines après la fin du tournage, elle arrive chez lui à Paris, à Noël, une bouteille de champagne à la main. Ils ne se sont plus quittés.

CLIN D'ŒIL. Dans Les Compagnons de la ­Marguerite, en 1966, Claude Rich n’arrive pas à divorcer et il élimine sa femme en trafiquant les actes d’état civil.

LÉGENDE. « Mes dix-sept enfants, c’est comme la rumeur de mes cent pizzerias. J’ai cinq enfants ­déclarés et, c’est vrai, quelques autres, fruits de la libération des femmes qui ne voulaient pas de mari. Je suis père de jumeaux, en Sicile. Je présentais Solo, avec Peter O’Toole, en 1970. Une belle brune me demande un autographe dans le creux de sa main. Le lendemain, nous faisions l’amour sur la plage. Quatre ans après, je reçois une carte postale, avec une photo des garçons : “Tes enfants.” Je prends le train avec la trouille de me faire assassiner par le père. Elle est couturière et m’explique qu’elle ne m’a pas averti car les enfants sont à elle. Je les vois de temps en temps. Ils m’envoient de l’huile d’olive, des jambons. J’ai eu le même genre d’aventure avec une Australienne, avec une Guinéenne. »

AVION. Après un premier accident en 1949, dans le Moyen Atlas, un autre avec Henri Vidal et Daniel Gélin (l’appareil atterrit en catastrophe, moteur en feu, près du détroit de Gibraltar) et après le crash d’un Boeing à Fiumicino dans lequel disparaît Georgette, sa fiancée ­hôtesse de l’air, il a une peur panique de l’avion.

ASSOCIATION DE MAÎTRE. « Avec Orson Welles, Jean-Pierre Melville, Luis Buñuel et Jacques Tati, on s’est retrouvés à La Coupole pour créer un syndicat d’auteurs à risque. Orson dit : “Bon, on vote ! Qui veut être président ?” Mais personne ne voulait être président, secrétaire ou trésorier. Finalement, ils m’ont désigné, mais moi-même je ne voulais pas. On a laissé tomber ! »

Laurence Durieu
10/06/2008 17:30